William et Aiden, 13 et 10 ans, de Lille « Tu ne peux pas le faire tout seul le Chemin »

DSCF9179Même tee-shirt, même bouille, les frangins attendent patiemment que leur père se renseigne à l’accueil des pèlerins en jouant avec leurs bâtons. Quand je commence à leur parler, ils me proposent de faire un bout de route avec eux.

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Marche enfantine

William et Aiden s’installent autour d’une petite table dans un jardin public du centre-ville. Ils se jettent sur le paquet de gâteaux devant eux. « Moi, j’apprends l’espagnol » me défie William, l’aîné. « On habite à Lille mais on est Américains. Nous allons tous les deux au Collège de Marcq-en-Barœul où parle anglais et français. »

« Le chemin, c’est trop génial » reprend Aiden, le cadet. « Nous avions déjà fait des marches avec Papa mais pas de pèlerinage. Et surtout, pour la première fois, on a traversé une frontière en vrai, à pied ! »

Le grand est plus sérieux. Il cherche ses mots. « C’est surtout un gros challenge. Mais on aime ça. Sauf dormir sous la tente. Nous ne l’avons fait qu’une seule fois depuis le départ, il faisait chaud, le sol était inconfortable, je préfère l’hôtel quand même. »

Compagnons de voyage

Au loin, une cigogne se pose sur le toit d’une église du centre-ville de Logroño. « Regardez » leur dit leur père. Ils lèvent la tête tous les deux en même temps et se retournent ensuite. « Nous avons vu beaucoup d’animaux sur la route. Des lézards, des poissons, des oiseaux, des chats. » Et des autres enfants ? « Une fois oui, une petite fille » dit Aiden. « Elle avait 9 ans et elle était toute seule. » Son frère lui rabat le caquet rapidement. « Mais non, c’est juste parce qu’elle marchait en arrière ou en avant de ses parents. Tu ne peux pas le faire tout seul le Chemin, gros naze. »DSCF9153

La cadence militaire

Comme pour détourner la conversation, le petit garçon demande de l’eau à son papa. Il m’explique alors. « Le plus dur quand on marche avec les enfants c’est qu’ils sont trop rapides… Il faut sans cesse les ralentir. Organiser des pauses, sinon ils sont trop fatigués et ils ne s’en rendent pas compte. »

Cette famille américaine habite dans le Nord de la France pour le travail du père. « Je suis militaire. Mon job c’est de faire marcher des gars… Et là, je suis en vacances et je fais un peu le même boulot ! Je dois tout vérifier tout le temps, leur donner à manger, les faire dormir… La différence, c’est que là c’est mes enfants, alors je les connais très bien. Et je sais exactement quand ils doivent s’arrêter, se reposer, manger, aller se coucher… »

Les trois pèlerins sont partis de Saint-Jean-Pied-de-Port et se rendent à Burgos. « Le premier jour, il y a une grosse semaine, on a fait 25 km, ils étaient surexcités. Après, j’ai essayé de les ralentir. Et mon objectif, c’est de les faire arrêter 2 jours ici, pour reprendre des forces avant d’attaquer la deuxième semaine. On est tranquille, on a notre avion de retour que dans 10 jours. Hein, les enfants ? »

Bien équipés

DSCF9163Aiden s’est levé pour aller voir son sac posé juste derrière nous. « Oui, oui » lance-t-il sans conviction. J’en profite pour me renseigner sur leur matériel. Toujours aussi appliqué, William répond. « On a une trousse de secours, un sac de couchage, de la nourriture et des vêtements de rechange. Genre, une paire de chaussures de montagne, et des tongs pour le soir. » Son frère dit fièrement : « Notre sac fait bien 10 kilos je pense. »

« Un peu moins quand même » corrige leur papa. « Mais c’est vrai qu’ils les portent bien tous les deux. Moi, j’ai beaucoup plus de choses. Des médicaments par exemple, la tente… Je suis à 25 kilos environ. Mais j’ai l’habitude, et pour marcher avec des enfants, faut être équipé correctement. « DSCF9161

Nouvelle de la religion

Je leur demande aussi si la religion compte dans ce pèlerinage. « Pas tellement, mais on va voir pour trouver quand même une messe dimanche » me répond l’adulte. « On est protestants, alors ce n’est pas tellement notre truc les cérémonies catholiques. » Aiden réagit directement. « Mais t’avais dit qu’on était chrétiens Papa, c’est pas pareil ? » Le mini cours de théologie s’impose.

Avant de partir, l’homme prend l’adresse de mon blog avec son téléphone. « On l’utilise aussi pour donner des nouvelles à la maman » me dit-il en souriant. « Elle est restée avec leur petit frère et leur petite sœur. Ils vont être contents de les retrouver en rentrant je pense. » Pour une fois William et Aiden tombent d’accord. « Pas du tout, ils font que de nous embêter ! »

Ils sont déjà devant leurs sacs, prêts à repartir. Je les prends en photo, ils sont tout contents. « On va être des superstars. On pourra montrer les photos à notre classe ! » Leur père sourit et se retourne vers moi. « Vous verrez, un jour, vous aussi vous le ferez avec vos enfants. »

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