Sven, 44 ans, de Suède « Je prévois de changer de vie »

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Assis sur la terrasse devant l’Auberge municipale de Logroño, Monsieur Propre attend l’ouverture des portes en mangeant une banane. Il a posé son énorme sac contre l’entrée, il sera le premier à choisir sa couchette pour la nuit, c’est sûr.

DSCF9697« Je vais avoir 45 ans en décembre et je viens de Gothembourg, Göteborg en suédois, » me lance-t-il d’une voix faible mais qui en impose. « Je suis parti de Saint-Jean-Pied-de-Port il y a six jours, et tout va bien. » Je regarde son visage brûlé par le soleil. « Je protège mon crâne avec le foulard que tu vois, là, sur mon sac. Et pour les ampoules, j’ai un bon truc. Je mets deux paires de chaussettes. Comme ça, rien de frotte contre la peau ! »DSCF9698

Sven m’avoue aussi s’être beaucoup entraîné avant son départ. « C’est la première fois que je fais une aussi longue route à pied, alors je voulais être prêt. Je suis parti avec 13 ou 14 kilos, mais j’ai mon sac de couchage, et ça, c’est important je pense. » Je me retourne à nouveau vers son sac, je n’arrive pas à croire qu’on puisse être autant en forme avec un tel monstre dans le dos.

Pour réussir à mettre cet homme sur la Chemin, il a fallu un élément déclencheur. « J’ai été viré de mon boulot. Le magasin de construction dans lequel je travaillais a fermé en avril. Je me suis dit qu’il fallait que je change de vie et que je prenne cette opportunité pour faire autre chose. »

Sans religion, Sven appréhende ce pèlerinage comme un challenge, une étape. « Je voulais voir si j’étais physiquement et mentalement capable de le faire. Je prévois de changer de vie, de travailler dans un centre avec des enfants handicapés. Et pour ça, il faut de la préparation… Alors je suis ici. »DSCF9691

Autour de lui, les pèlerins arrivent pour faire la queue avant l’ouverture de l’auberge, mais Sven reste dans son coin et ne parle à personne. « Je marche seul. J’aime bien partir à six heures du matin quand tout est calme. Et puis comme ça, je suis vers midi à l’étape suivante. Je peux être tranquille un moment, faire des étirements, une sieste et être en forme pour le lendemain. Parfois, je rencontre un ou deux Scandinaves là où je dors mais je préfère la solitude. J’ai besoin de penser au passé, au présent et à l’avenir. »

Il me sourit. Il vient de replier méticuleusement la peau de sa deuxième banane. « C’est comme les chaussettes, il faut en prendre deux pour être bien. » Il me tire la langue quand je le prends en photo et se dépêche de récupérer son sac parce la porte de l’auberge vient d’ouvrir.

Sven s’installe devant l’ordinateur de l’entrée, encore libre évidemment. « Je poste des photos de moi sur Facebook pour donner des nouvelles à mon fils de 23 ans. Il n’est pas inquiet, mais ça me permet en même temps de les sauvegarder en ligne. Si je perds mon téléphone. »

Méticuleux de la chaussette, de la banane, mais aussi du selfie.

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